"Musique de la communauté affective: sonorités politiques, perceptions collectives et performances expérimentales"

Hubert Gendron-Blais, Montréal, Université Concordia, 2019.

Cette thèse constitue l’expression écrite d’un projet de recherche-création visant à appréhender le rôle joué par les composantes sonores et musicales dans la (trans)formation des agencements collectifs. En quoi le son et la musique contribuent à la formation et à l’intensification des communautés affectives, ces communautés aussi intensives qu’évanescentes qui ne reposent pas tant sur une identité préétablie ou des intérêts déterminés, mais qui émergent à même l’événement, comme penchants partagés, quelque chose qui circule entre les êtres, les choses, les ambiances? Une telle recherche, au confluent de la philosophie, de la pensée politique et de la musique, a entre autre requis la réalisation d’une véritable enquête sonore sur les bruits du politique, et plus particulièrement ceux issus des manifestations autonomes. L’attention à l’impact des sonorités ambiantes dans les manifestations du commun a ouvert toute une réflexion sur la matérialité sensible et la perception collective du son. L’étude des dimensions esthétiques et politiques de l’affectivité du son a finalement orienté la recherche vers les pratiques musicales, et plus particulièrement sur la manière dont certains processus musicaux peuvent orienter l’expérimentation de nouvelles manières de se rassembler à même l’événement. La musique apparaît ainsi comme le résultat d’un processus de capture de forces environnantes; les composés sonores qui en émergent ouvrent la voie à une analyse autour des notions de composition, d’improvisation et de performance, mais aussi sur les différentes techniques requises pour favoriser l’expression d’un agencement musical donné, faisant ressortir l’apport des composantes non humaines qui participent à l’événement sonore. La conclusion marque l’amorce d’une réflexion autour des notions d’origine, d’appartenance et d’appropriation, offrant une perspective nouvelle sur les enjeux et débats liés aux politiques identitaires dans le champ artistique, politique et social. Ce travail théorique a trouvé son expression musicale dans la composition de la pièce Résonances manifestes, création musicale comprovisée – c’est-à-dire adressant le mélange complexe de contingence et de contraintes qui émerge du brouillage des notions de composition et d’improvisation – performée par le Devenir-ensemble à l’issue d’un processus de création et de réflexion collective qui s’est étalé sur près d’un an. La pièce est venue prolonger et stimuler les réflexions déployées dans la thèse écrite.