D’une communauté désoeuvrée à l’éthique d’une communauté. Dialogue entre Jean-Luc Nancy, Maurice Blanchot et Emmanuel Levinas

 

par Antonin Chambon

Les expériences politiques du XXe siècle ont rendu suspecte aujourd’hui toute pensée de la communauté. Après les catastrophes que nous ont dévoilées la chute des « communismes réels », les génocides des régimes totalitaires, la crainte du « communautarisme » dans les sociétés libérales et celle que suscite la recrudescence d’un populisme nourri du désir de protéger la pureté d’une identité communautaire, nous serions en droit d’exprimer une certaine méfiance envers toute pensée de la communauté, comme ce qui permet toutes les dérives dont nous sommes soit les héritiers soit les contemporains. Il n’est pas jusqu’aux expériences communautaires des années 70 dans le monde libéral, par leur repli sur soi ou leur dissolution dans l’économie néo-libérale, qui n’alimentent cette méfiance ou cette déception. Cependant nous voudrions voir celle-ci comme un appel, non pas à abandonner tout espoir communautaire, mais justement à relancer son questionnement. C’est face à cet appel que s’ouvre le dialogue entre Maurice Blanchot et Jean-Luc Nancy en 1983 autour de l’article publié par ce dernier dans la revue Aléa, « La communauté désœuvrée », et la réponse de Maurice Blanchot dans La communauté inavouable. La problématique de la pensée occidentale vis-à-vis de la communauté s’y exprime clairement : la communauté s’accomplirait dans la communion. Un achèvement paradoxal en cela qu’il serait l’anéantissement de sa condition de possibilité : la relation, c’est-à-dire une différence entre les termes. C’est à partir du « commun » que l’identité de la communauté et de ses membres est refondée et justifiée. Aussi, symétriquement, tout ce qui résiste à ce commun – ce qu’on voudrait désigner par « la part négative » de la communauté – se trouve-t-il rejeté à l’extérieur de celle-ci et de son identité. Au final, cette part négative sera ce qui fait obstacle et mettra toujours en péril l’achèvement de la communauté. Il s’agit bien d’accomplir la communauté, sa finalité, dans la refonte des différences par le commun. La communauté achevée, réalisée, idéale, serait une en son sein, c’est-à-dire sans différences majeures entre ses membres. Or l’absence de différence, d’écart entre les membres, aboutit bien à l’absence de relations qui, nous l’avons vu, constitue la condition première de possibilité de toute communauté.

Pourtant il faut voir que la communauté n’est pas qu’une modalité politique, une modalité du vivre ensemble parmi d’autres. Celle-ci semble être absolument nécessaire à la vie. Il faut qu’il y ait communauté – au moins minimalement – ne serait-ce que pour qu’il y ait un monde, au sens phénoménologique du terme, comme un espace qui pourrait accueillir ma subjectivité et celle d’un autre dans une relation, un partage. Sans rien de commun, nous serions dans l’absurdité d’un monde qui serait soit un désert, une solitude où rien ne fait sens pour un autre que moi, soit un chaos de différences toujours mouvantes dans lequel nous ne pourrions progresser par manque d’un quelque chose dans quoi progresser, un espace commun. C’est face au risque de ce désert et de ce chaos que le devoir de repenser la communauté à partir de son échec s’impose.

Alors que le dialogue entre Blanchot et Nancy s’ouvre tout d’abord comme commentaire de l’œuvre de Bataille, nous voudrions montrer que c’est peut-être à travers celle de Levinas que ce dialogue peut pleinement se comprendre et se déployer pratiquement. La phénoménologie limite de Levinas, confrontée à nos deux auteurs dans une friction harmonieuse, créatrice d’une pensée qui n’est finalement celle d’aucun d’eux, nous donnerait la possibilité de saisir le vécu de la communauté qu’ils tentent concevoir. Il nous faut alors voir ce qui les rapproche et les sépare, ou plutôt les sépare en les rapprochant, réalisant peut-être déjà ce que l’on pourrait entendre par une communauté qui ne viserait pas une communion.

La négativité de la communion ou l’exigence de s’extraire de l’immanence.

Nos trois auteurs sont confrontés à une époque commune et partagent certaines analyses quant aux événements politiques qui les entourent. Ainsi, si Levinas ne critique pas dans les mêmes termes le « communisme réel » visé par Nancy et Blanchot, la constatation du caractère négatif de la reprise des différences dans un Principe, un État, un Peuple etc. est bien partagée par chacun. Aussi dans « De l’unité » in Entre nous, Levinas retrace-t-il la manière dont l’Occident a cru à la pacification des individus par une relève de leur liberté dans la loi universelle de la Raison « … qui surmonte l’altérité »[1] et qui aujourd’hui fait face « à la mauvaise conscience au terme de millénaires de la glorieuse Raison … de deux guerres mondiales, de l’oppression, des génocides… »[2]. Ce mouvement d’unification des singularités, à travers sa mauvaise conscience, appelle à être saisi comme une illusion aux conséquences meurtrières qui viendrait cacher une relation plus ancienne entre les hommes. Or c’est bien cette illusion, vue comme l’invention d’une « conscience rétrospective », que dénonce Nancy comme la nostalgie d’une communauté communielle perdue par l’Occident qui s’élabore du Christianisme à la modernité et dont le communisme se fait l’héritier[3]. Sur ce point on pourrait alors dire que les deux auteurs renvoient dos à dos les sociétés communistes et les sociétés occidentales et libérales qui partagent ce fond communiel de la communauté, ce que Nancy appellera l’immanentisme, la source du désastre que peut devenir la communauté, « une immanence de l’homme à l’homme – un humanisme – de la communauté à la communauté – un communisme – ».

Dans cette réflexion de Nancy sur l’immanence de l’homme et de la communauté, la question de l’œuvre – et donc du travail – est centrale. Il reprend alors l’analyse marxienne du travail dans la perspective d’une activité négatrice de l’extériorité[4]. Le travail, ce « métabolisme de l’homme et de la nature », est ce qui, en tant que production d’œuvres, transforme l’extérieur en mon œuvre, c’est-à-dire ce qui prend existence à partir de moi. Or si l’essence de l’homme tient à son activité laborieuse, il se fait « producteur de sa propre essence sous les espèces de son travail et de ses œuvres »[5]. Le travail comme production d’œuvres sera dès lors pour Nancy l’une des clés de voûte de l’immanentisme de la communauté, cette négation de l’extériorité, de l’altérité, cette « œuvre de mort ».

Il faut noter alors que le travail chez Levinas recouvre une ambiguïté plus grande. On voit dans Le temps et l’autre qu’il rend possible un premier mouvement de libération face à l’idéalisme philosophique et, plus radicalement, qu’il constitue une première hypostase de l’être[6]. Dans Totalité et Infini il est déjà une étape nécessaire pour s’extirper de l’élémental, cette jouissance de l’il y a, en tant qu’ouverture du monde économique et donc condition de l’apparition du Visage[7]. Mais c’est une fois de plus à travers l’œuvre que le travail se fait toujours mouvement odysséen, retour sur soi et non dépassement du conatus : immanence de l’homme à lui-même. Malgré une apparente opposition quant à la positivité du travail, les deux auteurs indiquent le besoin d’une activité laborieuse qui ne produirait pas d’œuvre, d’un labeur désœuvré et désœuvrant.

Plus radicalement, l’immanence qui se dévoile dans l’individu producteur relève pour Nancy d’un paradoxe logique intenable. À travers une analyse d’abord logique puis ontologique et politique, Nancy tente de montrer la manière dont l’Absolu suit « une logique [qui] fait violence à la logique de l’Absolu » et dénote un « atomisme inconséquent »[8] car « pour être absolument seul il faut que je sois le seul à être seul »[9] montrant alors l’illusion qu’incarne la notion d’individu pensée sur le mode de l’absolu. La conséquence ontologique en sera que l’être est nécessairement relationnel, et passer du relationnel à l’individu – entendu comme immanence de soi-même à soi-même (c’est à dire une immanence absolue) – reviendrait à passer de ce qui est à ce qui n’est pas : une œuvre de mort. Il semblerait alors que la pensée de l’ontologie chez Levinas s’oppose point par point à l’ontologie de Nancy. En effet l’être y est avant tout l’immanence intrinsèque de l’il y a[10]. Cependant il faut bien voir la nécessité de s’extraire de l’il y a pour que la conscience puisse apparaître. Autrement dit l’immanence de l’être constitue l’impossibilité de la vie consciente. D’où l’angoisse, une fois la vie consciente apparue, d’un retour dans l’il y a, une chute qui caractérise le fantôme, la possibilité d’une mort sans mourir.

Cette négativité de l’immanence est reprise par Blanchot comme « principe d’incomplétude » de l’être, une insuffisance qui ne chercherait pas à être comblée par une quelconque transcendance (un Bien, un Principe, une Nation) mais qui ne serait que l’affirmation de la primauté de l’Autre. Nos trois auteurs s’accordent donc clairement sur cette évidence première, celle de l’altérité comme ce qui vient ruiner l’illusion ou la possibilité d’un immanentisme. Ainsi Nancy affirme que « la communauté est ce qui a lieu toujours par autrui et pour autrui »[11] et Levinas voit, dans la mort de l’Autre, la révélation d’une altérité si radicale et si première qu’elle vient briser tout mouvement du conatus et désintéresser l’existant de son être. Dans chacune de ces pensées l’Autre n’est pas le moyen de la ruine de l’individu – et de l’immanence qu’il porte en lui – mais cette ruine elle-même. Or il faut être sensible au rôle fondamental donné à la mort d’Autrui dans cette ruine de l’immanence. En effet la mort est pour Levinas le lieu où l’altérité de l’autre se dévoile sans possibilité aucune d’en faire un objet du monde, une œuvre de mon pouvoir, ne serait-ce que par ma perception de l’autre. La mort refuse l’autre à la lumière – mode de l’apparaître et donc de l’activité de la réception – et ruine le sujet dans une passivité plus radicale encore que celle de la perception. Ainsi chez Nancy la mort est cela même qui expose la finitude de l’être, sa non substantialité, et le dévoile comme rien d’autre que l’exposition d’une finitude, comme relation à l’autre. Autrement dit la communauté n’a pas simplement à voir avec la mort mais elle est révélée dans et par celle-ci.

Cependant il faut bien voir que la souffrance qui vient désintéresser le sujet – dont le paroxysme se révèle dans la mort – recoupe chez Levinas les caractéristiques du mal, l’explosion de l’absurdité[12], analyse que l’on retrouve aussi bien chez Blanchot où la « maladie de la mort » est avant tout décrite en termes de mal dont «  la plainte retentit comme le scandale inouï ». Il faut donc s’interroger sur cette « communauté désœuvrée » qui se déploierait dans une « communauté de souffrance ». Plus radicalement, si le dévoilement de l’autre se fait ultimement par sa mort, on peut alors se demander, non plus ce que ce serait de vivre au sein d’une telle communauté, mais si la vie elle-même y serait encore possible. Si la communauté se paye du prix de la ruine du sujet qui n’est plus rien que l’exposition de sa finitude, si, comme l’affirme Nancy, elle est avant tout extase, sortie de soi, disparition du sujet qui y vit, alors il faut bien se demander si une telle communauté peut encore être vécue.

Au-delà des limites de la subjectivité : la communication, la communauté

La ruine du sujet que Nancy cherche pour penser une communauté qui échappe à l’immanentisme s’exprime tout d’abord dans son article sous le schème de l’extase. Il s’agit d’y penser une sortie de soi, le sujet comme exposition souveraine en affirmant, reprenant L’expérience intérieure de Bataille, que « la souveraineté n’est RIEN ». C’est ainsi que Nancy évite la relève de la ruine du sujet par une dialectique dans un principe souverain. Cette exposition à rien et dans rien, cette exposition à une « transcendance qui ne se présente pas »[13] est cela même qui ordonne une figure limite du sujet : l’être singulier. La singularité comme rien d’autre qu’une exposition de sa finitude, que l’exposition au dehors d’un dedans qui n’existerait pas sans cette exposition. La singularité étant un terme comparatif, il permet à Nancy de penser l’être sous le schème de la relation et non plus sous celui de substance en relation. L’être singulier n’aura d’autre fond que celui du réseau de « l’entrelacement du partage de la singularité ». De là, la communauté relève de la « com-parution » des finitudes des êtres singuliers (qui, au final, ne sont rien d’autre que cette finitude). Cette exposition est alors pensée en termes d’espacement, de dis-location que la communauté effectue par sa nature d’aire. L’ancrage de la communauté dans le monde ne relève plus de l’unification d’un territoire mais se trouve défini uniquement par ce jeu d’exposition.

Or c’est à travers cette question de la « com-parution » pensée en termes de spatialisation que se pose une question phénoménologique à laquelle Nancy ne semble pas répondre : comment cette « com-parution » évite-t-elle le schème de la représentation ? Si l’on com-paraît les uns aux autres dans la communauté, comment ne pas retomber, à travers la représentation, dans le pouvoir souverain d’un sujet percevant qui saisit l’autre comme objet de sa perception ? Comme l’indique Levinas, « l’extériorité est une propriété de l’espace et ramène le sujet à lui-même par la lumière, qui constitue tout son être »[14] .

C’est peut-être alors en ressaisissant l’être singulier de Nancy à travers la pensée lévinassienne de la substitution, de la récurrence et du Soi que cette figure de la singularité peut se comprendre phénoménologiquement, ouvrant à la possibilité d’un monde. À travers la figure de la récurrence dans la substitution on peut en effet voir chez Levinas « l’energeia d’un soi qui ne cesse d’imprimer de nouvelles directions de sens à sa propre présence »[15]. Ainsi la sensibilité, fondement de la perception, sera-t-elle transformée sous le schème de l’effraction de l’Autre dans le sujet et passera de jouissance de la perception à vulnérabilité du sujet. Ce dont il est question ici, ce n’est plus un simple rapport d’extériorité face à face mais d’effraction de l’Autre dans le Même sous l’espèce d’une persécution qui ira jusqu’à la substitution[16]. Or c’est de cette substitution qu’apparaît la responsabilité pour autrui, une modalité limite de la relation qui pourtant interdit tout retour à soi, ne serait-ce que par la perception. Cette responsabilité ouvre à la récurrence, à la refondation d’un sujet incarné, percevant et traversé par l’Autre, fondé sur celui-ci : « récurrence qui est « incarnation » et où le corps par lequel le donner est possible rend autre sans aliéner … la récurrence – loin d’épaissir et de tuméfier l’âme … l’expose nue à l’autre jusqu’à faire exposer par le sujet son exposition même, laquelle risquerait de le vêtir »[17] Il semble alors qu’on glisse d’une ruine du sujet pensée en termes de sortie de soi, d’extase, à une ruine du sujet pensée sous le schème de l’inspiration dans un sens presque pneumatique. La pensée d’une exposition de la finitude, qui rencontrait le problème phénoménologique de la com-parution ramenant toujours à un sujet percevant, se résout dans l’interpénétration de l’Autre et du Même qu’est la responsabilité éthique. Blanchot lui-même, dans sa réponse à Nancy, soulignera déjà que l’exposition seule ne suffit pas, et qu’il faut la ressaisir comme substitution : « la substitution mortelle est ce qui remplace la communion »[18].

La question porte alors sur la modalité de ce rapport d’exposition. Pour Nancy, l’être singulier est l’être « communiquant de ne pas communier ». Autrement dit, « l’entrelacement du partage de la singularité » ne sera rien d’autre que sa communication, une communication comme violence faite à la signification du mot, toujours à inventer et toujours à venir. Cette communication tiendra place de conscience de la communauté et de ses membres, « ce qui communique dans la communauté, et ce que la communauté communique »[19] En tant que violence faite à la signification du mot et exposition de la finitude et de la singularité, elle jouera alors le rôle d’une action désœuvrante face à la production d’œuvres de signification. C’est peut-être à partir d’une telle compréhension de la communication que le langage lévinassien peut être ressaisi dans un horizon de communauté. On trouve en effet une ressemblance forte entre la communication de la communauté de Nancy et « l’originalité du discours par rapport à l’intentionnalité constituante [qui] détruit le concept de l’immanence »[20] , discours qui naît de « l’épiphanie de l’Infini », du surgissement qu’est le Visage de l’Autre. C’est bien dans l’effraction de l’Autre en moi, dans cette déprise du sujet face à la primauté dans la conscience de l’Autre que naît un discours – une communication dit Nancy – qui vient défaire toute immanence de l’être. Ainsi Blanchot, évoquant l’événement de Mai 68, l’exemple d’une communauté désœuvrée spontanée, précise « Chacun avait quelque chose à dire … quoi donc ? Cela importait peu. Le Dire primait le dit.» [21] indiquant ensuite que ce Dire vient réduire la parole du pouvoir à « un commandement qui ne commandait plus rien … contemplant son inexplicable ruine »[22]. La communication dont il est question ici est alors à la fois l’expression du désœuvrement et l’action désœuvrante par laquelle l’immanentisme se dissout. Chez Levinas, ce Dire, toujours en excès sur le Dit, venant le ruiner alors même qu’il en est la première condition de possibilité, ne sera pensé comme rien d’autre que l’exposition d’une vulnérabilité, c’est-à-dire d’une responsabilité. Un « me voici » face à l’élection de la responsabilité, une autre figure d’un pouvoir paradoxal car désœuvrant, destituant toute thématisation, « violence faite à la signification du mot ». Ce Dire pré-originel, en tant que né du surgissement du Visage, est saisi comme trace de l’Infini, témoignage de la transcendance qu’ouvre la responsabilité pour Autrui, sa présence première en moi. Non plus une sortie de soi dans l’être comme le décrit Nancy mais une sortie de l’être même, un témoignage de l’autrement qu’être. Il excédera alors toujours sa trahison dans le Dit par la sincérité. Il n’est plus simple résistance ou ruine de l’immanence mais possibilité même de la signification, lieu de son déploiement, un désœuvrement du dit qui constitue la signification à partir du pour-l’autre. Là où Nancy admet « que notre limite est de n’avoir pas vraiment de nom pour ce « quelque chose »[23] qu’est le lieu de la communication, Levinas semble affirmer qu’il s’agit d’une trouée dans l’être, d’une trace de l’autrement qu’être, d’une sortie de l’ontologie que Nancy ne fait pas[24] et qui permet de tenir à la fois le désœuvrement du Dire et la thématisation du Dit par la sincérité (une autre figure de la vulnérabilité). Aussi ce « me voici » est-il toujours doublé d’un « envoie-moi », renvoyant dans le monde et la signifiance, me faisant « auteur de ce qui m’avait été à mon insu insufflé »[25].

La pensée lévinassienne du Dire et du Dit, tout en enrichissant la communication de Nancy, se trouve alors relancée par la réflexion sur la communauté de Nancy en cela qu’elle peut se ressaisir comme propre à la communauté, à cet « entrelacement du partage de la singularité ».

Cependant si tout discours découle et conserve en lui une trace de ce Dire pré-originel, de cette communication de la singularité, et si toute conscience, dès lors qu’elle existe, relève déjà d’une communauté désœuvrée et désœuvrante, d’une ruine de l’immanentisme, alors la communauté serait un état de fait. La communauté serait toujours déjà là, et l’expression des singularités entrelacées dans un accueil de l’Autre serait déjà présente dans le monde. Affirmation immédiatement démentie par l’histoire que l’on vit. L’expérience du monde nous montre bien que, même si l’on peut affirmer que la communauté est toujours déjà là, elle est encore à dévoiler pour être vécue. Sans cela toute propédeutique à la pensée de Nancy, Blanchot et Levinas serait rendue inutile et leur réflexion elle-même ne serait plus nécessaire. L’invitation conclusive de Nancy « nous ne pouvons qu’aller plus loin » n’aurait plus lieu d’être. Il faut bien que l’aire de la communauté se dévoile et s’articule mondainement pour qu’on puisse dire qu’il y a communauté. C’est ainsi que se justifie, dans le dialogue de nos auteurs, la possibilité de différentes figures de communauté.

De la communauté possible à la communauté réalisée : la littérature infinie, l’amitié solitaire et l’amour en fuite.

Le « communisme littéraire » constitue la proposition principale de l’article de Nancy. Il s’agit d’une communauté à réaliser qui ne se trouve pas déjà là mais qui naît d’une « exigence d’écrire », une action qui a moins pour but la production d’œuvres littéraires que le désœuvrement de la littérature elle-même. Il faut comprendre cette pratique de l’écriture à partir du rapport entre la littérature et la mort, et du thème du livre à venir, pensés par Blanchot. Ce qui semble se jouer ici, dans le « communisme littéraire », c’est le glissement de la finitude de l’être, d’une mort biologique, à une mort « par contumace », non moins sentencieuse, dans l’écriture. L’inscription d’un je toujours fuyant, jamais clos sur lui-même mais pur don de la finitude, ouvert à toutes les « violence[s] faites à la signification du mot ». Cette pratique de l’écriture relève de la communication « encore à inventer » selon Nancy, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas uniquement d’une transmission de données mais avant tout d’une mise en péril du Dit pour en dévoiler la nature de Dire. Face à l’exigence d’une telle écriture on peut alors s’interroger sur la pertinence d’une analyse stylistique de l’écriture lévinassienne dans Autrement qu’être. On sait en effet que la philosophie, pour Levinas, relève d’un effort pour défaire le Dit et faire apparaître le Dire qui surgit dans la rencontre du visage, cette trace d’un au-delà de l’ontologie. Ainsi la stylistique (si elle peut encore s’appeler ainsi) que l’on trouve dans Autrement qu’être est peut être justement cet effort d’une écriture qui se défait alors même qu’elle s’écrit, une mise en scène du Dire et du Dédire qui en dévoile la provenance ambiguë, celle de la transcendance d’Autrui qui ne peut se faire que dans le monde.

Il s’agira moins pour Nancy de mettre en pratique, dans l’article même, ce désœuvrement de l’écriture, encore moins d’en définir théoriquement l’application, mais simplement de lancer une invitation à l’effectuer. En définir la modalité ferait de toute tentative de réalisation du désœuvrement littéraire l’application de cette définition, et donc, finalement, son œuvre. C’est peut-être cela que Blanchot comprend le premier. En répondant immédiatement à Nancy à travers La communauté inavouable pour déplacer l’analyse sur La maladie de la mort de Marguerite Duras, Blanchot n’opère-t-il pas le désœuvrement de l’écriture de Nancy ? Sans une réponse si rapide qui vient défaire l’article de Nancy en le déployant dans un réseau d’écritures singulières (celles de Blanchot, de Duras, de Bataille et de Levinas, mais on en trouvera d’autres) « la communauté désœuvrée » aurait couru le risque de rester l’œuvre de Nancy lui-même. C’est d’une mise en abîme du désœuvrement de l’écriture dont il est question dans La communauté inavouable. L’écriture de Blanchot elle-même expose sa propre finitude lorsque celui-ci choisit l’italique pour « mettre en valeur le caractère d’une voix dont l’origine nous échappe »[26], celle de l’écriture de Duras qu’il cite abondamment, offrant alors à la vue du lecteur l’entrelacement de deux voix qui se défont l’une l’autre. Aussi Blanchot, désoeuvrant l’œuvre de Nancy, s’ouvre-t-il à un réseau d’exposition à l’autre, l’autre-lecteur, l’autre-ami (Duras, Bataille, Levinas, Nancy peut-être), l’autre-genre (est-on encore dans la critique littéraire, la philosophie, l’analyse politique?), dévoilant alors la pratique même d’un « communisme littéraire ».

C’est ainsi que l’on peut saisir le rôle central de l’herméneutique dans le désœuvrement littéraire. Or l’acte de relancer toujours la signification de l’écriture au-delà d’elle-même dans un dialogue avec d’autres, n’est-ce pas justement ce qui se dit dans l’étude du Talmud chez Levinas ? L’enseignement et la « lecture infinie » dans le judaïsme y est bien « une façon pour la vérité de se produire telle qu’elle ne soit pas mon œuvre »[27]. R. Calin d’affirmer à ce propos que « l’herméneutique offre justement à l’éthique lévinassienne la possibilité de penser la constitution d’une communauté éthique »[28]. Le primat de la parole chez Levinas comme dévoilement du Dire doit s’écrire pour « s’exposer sans fin à l’interprétation » et ainsi conserver « l’ouverture et le défi de la parole vivante »[29]. Cela semble bien montrer une certaine pertinence du désœuvrement dans l’enseignement dont Levinas souligne l’importance.

Mais l’écriture resterait lettre morte si elle n’impliquait pas la lecture. Or c’est avec Blanchot que se dévoile, à travers le lecteur, la figure de l’ami, comme lieu du désœuvrement[30]. La scène de « la lecture de l’ivresse »[31] nous montre bien que l’amitié blanchotienne ne se reconnaîtra jamais comme identité mais toujours comme ivresse du partage de la singularité, communauté désœuvrée et désœuvrante. Pourtant il faut remarquer l’hésitation de Blanchot face à cette communauté exposée « comme le « cœur de la fraternité » : le cœur ou la loi »[32]. Une loi de la fraternité qui référerait alors à l’éthique lévinassienne. Apparaît alors une opposition entre le déchaînement des passions que veut penser Blanchot dans l’amitié ou la communauté des amants et la pensée de la fraternité chez Levinas. Le tiers y est bien ce qui vient briser l’uni-directionnalité du rapport éthique pour mettre en perspective l’autre de l’autre et finalement, moi-même comme autre. Autrement dit, il est ce qui fait apparaître la communauté comme jeu d’exposition de la finitude. Et pourtant c’est aussi par lui que s’introduit la question de la justice, le calcul, c’est-à-dire la tempérance de l’éthique et la Sagesse de l’amour. L’excès que sera toujours la communauté pour Blanchot, le déchaînement des passions, sera repris dans un calcul qui transformerait alors immédiatement la communauté blanchotienne en société tempérée, sage et finalement ordonnée.

Cela dit, il se joue aussi bien chez Levinas que chez Blanchot et Nancy une réhabilitation de l’affectivité de la communauté, ce que Nancy désignera comme « joie ». La médiation par l’écriture et la lecture du « communisme littéraire » fait face au problème du monde économique qui s’en déploie. Y est impliqué tout un jeu de publication et d’autorisation (le livre se vend plus qu’il ne se donne, toujours soumis à des questions économiques, culturelles, de décence et d’éloquence) ainsi que d’une certaine liberté de temps qui, justement parce qu’il ne fait pas « œuvre » dans le monde économique, risque de tenir exclue « la communauté négative : [celle] de ceux qui n’ont pas de communauté »[33]. Ainsi en réhabilitant l’affectivité à travers la figure de l’ami et du frère s’ouvre la possibilité d’une communauté vécue sans médiation, une communauté incarnée, de chair. La communauté de l’ami ou du frère s’ouvre peut-être moins à partir d’une épreuve de la lecture qu’elle ne dévoile l’incarnation d’un désir.

Il faut alors voir le rôle que joue la figure de l‘eros dans la communauté qui tente d’être pensée entre nos auteurs. Il s’agit bien, avec Levinas, de penser l’eros à travers une phénoménologie de la caresse comme une sortie de l’être dans l’être lui-même. Dans la caresse, ce n’est pas la jouissance de l’autre qui s’exprime mais « son absence dans un horizon d’avenir »[34]. Il y a certes toujours un risque à courir, toujours un effondrement dans la jouissance de l’élémental par le contact avec la « tendre matérialité » de l’Autre qui permet à Nancy d’y voir la possibilité d’une nostalgie, celle d’une communauté perdue pensée sous le schème de la fusion, invitant alors à une relève de « la communauté des amants » dans l’écriture. Il revient à Blanchot, à travers La maladie de la mort de Duras, de développer véritablement cette communauté de l’eros, plaçant en son centre l’impossibilité même d’aimer comme ce qui ouvre à une relation infinie, jamais achevée. C’est ainsi que, refusant la tempérance du tiers, il ressaisira la substitution lévinassienne comme le mouvement même du déchaînement des passions, ce dont seul les amants sont capables[35]. Ce refus de la Sagesse de l’amour se fait peut-être en raison d’un refus du passage que Levinas opère, pour trancher l’ambiguïté de l’eros, de l’amour à l’engendrement.

En effet le triomphe sur la mort que permet le désir chez Levinas, et qui tranche sur sa possible négativité comme jouissance de l’élémental se fait à travers l’enfantement. Le fils s’inscrit immédiatement dans la fraternité, relançant l’altérité et dépassant la « non-socialité de la société des amoureux »[36], ce sur quoi Nancy semble s’accorder, voyant dans l’enfant « cette naissance [qui] partage une autre singularité, [et] ne produit pas une œuvre »[37]. Aussi l’engendrement semble-t-il être le télos du désir, sa fin et son accomplissement comme relance du rapport à l’altérité dans le monde. Or Blanchot se refuse à faire ce pas en cela que si l’ambiguïté du désir est perdue, relevée dans une fin, c’est le désir lui-même qui se perd. Il ne peut y avoir de renvoi du désir et de son ambiguïté à une victoire de celui-ci dans un repli sur le biologique, figure de l’immanence de l’être à lui-même. Tout autant que la souffrance chez Levinas, le désir blanchotien doit être « inutile » pour déployer un rapport à l’altérité qui puisse être désœuvrant, et alors seulement, devenir communauté. C’est bien l’ordre social qui s’ouvre par la fraternité du fils, et non l’excès de la communauté[38]. En effet « la communauté des amants … a pour fin essentielle la destruction de la société »[39]. Et pourtant l’érotisme de Blanchot, le déchaînement des passions sans aucune relève, aboutit à l’apathie, à l’impossibilité d’aimer ou de recevoir quoi que ce soit. Communauté, certes, mais non celle des amants, celle de ceux qui, à la limite, s’appellent entre eux des morts : « l’envie d’être au bord de tuer un amant, de le garder pour vous, pour vous seul, de le prendre, de le voler contre toutes les lois … vous ne le connaissez pas ? » Non il ne le connaît pas. D’où l’implacable et dédaigneux verdict : « C’est curieux un mort. »[40].

Face à la méfiance partagée par Nancy, Blanchot et Levinas sur la pensée de la communauté comme mise en commun, rapport d’une identité partagée, nous avons pu voir une autre possibilité de la communauté, cette fois comme exposition mutuelle de la finitude, « entrelacement du partage de la singularité ». Il aura fallu refonder toute une philosophie de la subjectivité et de la communication pour voir comment chacune des pensées de ces auteurs se nourrit et se déploie l’une l’autre, palliant les difficultés qu’elle rencontre sans pour autant se résorber dans une seule et même pensée. Autrement dit, entre ces trois auteurs, semble bien se jouer quelque chose de la communauté qui tente d’être pensée. Cela aura permis de développer différentes figures de la communauté désœuvrée autour du « communisme littéraire », de l’amitié, de la fraternité et de la « communauté des amants ». Il s’agira certes toujours de communautés qui se situent en dessous de « l’ordre politique », difficilement saisissables dans une philosophie politique et sociale car toujours aux limites de tels domaines. Cependant il semblerait que c’est justement cela que tentent de montrer nos auteurs : la communauté ne se trouve toujours qu’à la limite.

Nous voudrions alors faire remarquer que, tout au long de ces textes, justement à leur limite, il existe une possibilité de penser la communauté au-delà de l’aire de l’écriture-lecture ou de l’affectivité fraternelle et amoureuse. Tout au long de ces textes apparaît en effet un rapport entre la communauté et l’ouverture d’un horizon : un à-venir d’où la communauté se dévoilerait et dont elle serait en même temps la promesse jamais achevée. Ce qui, chez Levinas, s’exprime comme « temps messianique » et dont on pourrait alors se demander : qu’est-ce que le messianisme, saisi dans toute sa complexité par le judaïsme hassidique, a à nous apprendre d’une possible communauté désœuvrée ? N’est-ce pas un mouvement proche de celui décrit par Nancy, Blanchot et Levinas qu’exprime Kafka lorsqu’il écrit « Le Messie viendra quand il ne sera plus nécessaire, il ne viendra qu’après sa venue, il ne viendra pas le dernier jour mais le tout dernier. »[41]

[1]E. Levinas, Entre nous, « De l’unicité. », éd. Grasset & Fasquelle, p.196. Dans la deuxième partie de l’article « l’autonomie de l’individu raisonnable », Levinas pose qu’à travers une soumission à la « loi universelle » assurée par la raison « les personnes, autres ou étrangères, les unes aux autres, s’assimilent »

[2]Ibid. p.197

[3]Jean-Luc Nancy, La communauté désœuvrée, éd. Christian Bourgois, pp 28-32

[4]La position de Nancy envers la pensée de Marx est complexe, et ne peut être traitée dans cet article. Cependant, il faut noter qu’à travers de courtes phrases de son article, Nancy indique bien que Marx résiste à l’écueil de l’immanence en raison de « l’exubérance généreuse qui fait que Marx ne s’arrête pas avant d’indiquer un règne de la liberté (…) voire d’extase, à laquelle l’individu, comme tel, reste définitivement dérobé » (La communauté désœuvrée). Nancy ira jusqu’à développer dans « le communisme littéraire » la présence positive chez Marx d’une pensée de la communauté presque identique à ce qui tente de s’exprimer comme « communauté désœuvrée » contre toute immanence : « ce que Marx désigne dans la communauté : la division des tâches qui ne divise pas une généralité préalable (…) qui articule les unes aux autres des singularités ». C’est la « socialité comme un partage (…) non comme une immanence » (« le communisme littéraire »).

[5]Jean-Luc Nancy, La communauté désœuvrée, éd. Christian Bourgois, p.13

[6]E. Levinas, Le temps et l’autre,  la vie quotidienne et le salut, éd. PUF, p.42

[7]E. Levinas, Totalité et infini, Intériorité et économie,  la demeure, 4. La possession et le travail, éd. Le livre de poche, p.169

[8]La communauté désœuvrée, op. cit, p.18

[9]ibid.

[10]E. Levinas, Le temps et l’autre, solitude de l’exister, éd. PUF, p.22

[11]La communauté désœuvrée, op. cit., p.42

[12]« La souffrance inutile », Giornale di Metafisica n°4, 1982

[13]Op. cit.

[14]Le temps et l’autre, op. cit., p.36

[15]R. Calin, Levinas ou l’exception du soi, éd. PUF, p. 361

[16]E. Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, IV la substitution, 3° le soi, éd. Grasset, p.177

[17]Ibid. p.173

[18]M. Blanchot, La communauté inavouable, communauté et désœuvrement, éd. Édition de Minuit, p. 24.

[19] La communauté désœuvrée, op. cit., p.51.

[20] E. Levinas, Totalité et Infini, B. Visage et Éthique, 4° Le discours instaure la signification, éd. Grasset, p.224

[21] M. Blanchot ,La communauté inavouable, Mai 68, éd. Éditions de Minuit, p.53

[22] Ibid.

[23] Ibid. p.65

[24] « seule l’ouverture éthique, c’est-à-dire l’ouverture non plus comme extase dans l’être… mais comme exposition à autrui, constituent la ressource du sens […] La comparaison entre l’ontologie de Levinas et celle de Nancy est nécessairement provisoire [en cela que] l’ontologie n’est que le premier mot de la pensée de Levinas, et non, comme chez Nancy, le seul et en ce sens, dernier » R. Calin, Levinas et l’exception du soi, II. Difficile abandon, « néant et abandon », PUF, p. 58

[25] E. Levinas, Autrement qu’être, V. Subjectivité et Infini, 2° La gloire de l’Infini, d) Témoignage et langage, éd. Grasset, p.232

[26] La communauté inavouable, op. cit., p.60

[27] Totalité et Infini, conclusion, 5. Extériorité et langage, op. cit., p.328

[28] Levinas ou l’exception du soi, op. cit., p.334

[29] E. Levinas, Du sacré au saint, éd. Minuit, p.7

[30] « Amitié de l’un à l’autre, comme passage et comme affirmation d’une continuité à partir de la nécessaire discontinuité. Mais la lecture – le travail désœuvré de l’œuvre – n’est pas absente » La communauté inavouable, op. cit., p42

[31] La « lecture de l’ivresse » est relatée dans La communauté inavouable, « la communauté littéraire », pp.42-43. Blanchot de commenter explicitement : « l’amitié, avec la lecture de l’ivresse, est la forme même de la « communauté désœuvrée » sur laquelle Jean-Luc Nancy nous a appelés à réfléchir sans qu’il nous soit permis de nous y arrêter » p.43

[32] Ibid. Le cœur ou la loi, p.47

[33] La communauté inavouable, op. cit, p.45. Il est évident que nos auteurs ont bien conscience de cet impératif du monde économique sur la pratique de l’écriture et de la lecture qui nécessairement exclut la possibilité pour tous de s’y inscrire. Cependant ils n’ouvrent pas positivement cette problématique. En effet la pratique littéraire s’ouvre trop souvent à partir d’une libération du monde économique. Cette problématique pourrait bien constituer la pierre de touche du « communisme littéraire » dont il est question.

[34] Le temps et l’autre, L’Éros, op. cit., p.82

[35] « Mourir pour autrui, c’est à quoi, seuls, consentent ceux qui s’aiment. Et de citer l’exemple d’Alceste, prenant par pure tendresse la place de son mari (c’est vraiment la « substitution », le « l’un pour l’autre ») », La communauté inavouable, op. cit., p. 74

[36] Totalité et Infini, Phénoménologie de l’Éros, op. cit., p.293

[37] La communauté désœuvrée, op. cit., p.98

[38] « la relation avec le visage dans la fraternité … constitue l’ordre social » Totalité et Infini, Filialité et fraternité, op. cit., p.313

[39] La communauté inavouable, la destruction de la société et l’apathie, op. cit., p.80

[40] Ibid., Le saut mortel

[41]Franz Kafka, Cahiers in Octavo, Cahier G [18 octobre 1917-fin janvier 1918], p. 194