A quoi reconnaît-on une communauté quand on en croise une ?

On peut aborder la question de la communauté à partir d’une multitude de points de vue. Je commencerai par mentionner ceux auxquels, sans les nier, je ne me placerai pas ici, ou du moins pas tout de suite : les points de vue sociologique et politique, soit ces niveaux qui étudient ce qui serait déjà là de la communauté, ce qu’on en pourrait observer et mesurer le cas échéant dans le réel —le niveau en quelque sorte des « faits » .

Ce qui m’intéressera davantage est ce qui de la communauté ne peut pas, au contraire, être directement observé. Dans les pages qui suivent, je m’attacherai ainsi à aborder la part de celle-ci qui se situe hors du concret et du mesurable —mais qui n’en reste pas moins potentiellement agissante, voire d’autant plus agissante— et qui se trouve pour cela encore en lien avec l’imaginaire : c’est ce que codifiera la majuscule que je placerai au début du mot Communauté, avant que d’autres considérations plus importantes ne justifient complètement cette distinction typographique.

Ce qui m’intéressera avant tout est en effet ce qui se trouve en amont des actualisations dans le réel, et ce qui, de fait, les précède et les engendre. Car un constat s’impose : les faits, en ces matières, présentent toujours un racornissement par rapport aux abstractions qui en sont la source et qui supposent la non-fermeture du cercle communautaire autour d’entités concrètes. C’est pourquoi aussi l’aspiration à la Communauté est toujours déçue dans ses applications ou incarnations concrètes (les communautés – au pluriel et sans majuscule) et c’est donc à la réflexion sur la première que cet essai veut contribuer.

Je partirai donc du domaine des « idées » et des affects, avant de préciser exactement en quoi consiste cette part de la communauté que je cherche à saisir…

L’immortelle aspiration à la Communauté

Quoi qu’en disent ceux qui voudraient que la question ne soit plus d’actualité, la Communauté est un objet de réflexion d’une extrême importance aujourd’hui. Certains, comme Jean-Luc Nancy, y voient même la question essentielle de notre temps, et ce temps ne daterait pas d’hier… Celle, de plus, à laquelle en tout temps l’on ne pourrait échapper, et d’abord parce qu’elle fait inexorablement retour, parce que l’on doit d’une manière ou d’une autre nécessairement l’affronter. Ce serait au fond une question intimement liée à notre humanité et plus encore aux développements ou transformations récentes de cette condition d’humain qui est la nôtre.

Quelle sorte d’objet d’étude est alors la Communauté ? comment l’approcher et espérer l’appréhender ? Il n’est peut-être pas inutile de signaler dès à présent que ces questions ne se posent que parce qu’elles traduisent l’apparition d’un « souci » existentiel de la Communauté — une inquiétude, un soupçon — souci lui-même commun, à partir duquel nous parlons, après bien d’autres , et sur lequel nous reviendrons plus bas.

Qu’est-ce dès lors que cette Communauté ? C’est à l’évidence une chose infiniment singulière, difficile à approcher. D’emblée, nous nous heurtons à une aporie qui la rend difficilement saisissable : hors de ses effets (tant concrets que, pour le dire vite, psychologiques), celle-ci ne se voit pas, ne se mesure pas, voire n’existe pas. C’est donc un objet en quelque sorte évanescent.

La Communauté peut-elle alors être regardée simplement comme une idée d’ordre philosophique ? Oui et non. Oui, dans le sens où la Communauté est évidemment une question récurrente dans l’histoire des idées philosophiques : nombreux sont les penseurs à s’être penchés sur celle-ci (pourquoi les hommes se rassemblent, ou désirent, ou non, se rassembler) et à avoir tenté de proposer une réponse théorique. Il suffit de rappeler quelques noms : Thomas Hobbes et son Léviathan, Rousseau et son contrat social, puis Kant également, Marx bien sûr et au XXe siècle Heidegger mais aussi Bataille ou plus récemment Giorgio Agamben … Tous ces philosophes se sont interrogés sur ce qui pousse les hommes à vivre ensemble et ont cherché à décrire les conditions de possibilité de ce vivre-ensemble. Et tous se sont heurtés à l’intuition du caractère irréalisable de la Communauté : il y a donc un véritable problème philosophique de la Communauté.

Si c’est bien un authentique problème philosophique, comme il en existe alors de nombreux autres (le Mal, le Beau, le Vrai, par exemple), la question de la Communauté ne saurait cependant s’y résumer. Car celle-ci se pose pleinement —et, dirions-nous, tout autant— en dehors de toute élaboration philosophique, ou même en dehors de toute pensée et de toute réflexion, même si cela reste cependant un phénomène spirituel, puisque tout se passe dans la « tête » des hommes. De fait, celle-ci semble liée plus généralement au processus de la vie humaine, qui la pose avant tout et selon toute apparence avant même la conscience raisonnante : elle se trouve posée comme problème par la vie-même, nécessairement engagée par l’existence humaine. Elle relève en ce sens plus du tropisme (tropisme alors en partie au moins intellectuel si cela peut se concevoir), c’est-à-dire qu’elle est liée aux conditions même de l’existence de l’esprit humain (« tropisme » voulant désigner ici ce qui échappe dans les actes à la claire conscience et au raisonnement).

S’agit-il alors d’un sentiment ? on pourrait le penser, car qu’est-ce qui définit mieux la Communauté que le sentiment d’appartenance ? Mais il est évident par ailleurs que celle- ci ne saurait être uniquement reliée aux sens, c’est-à-dire au sensible. Elle n’est pas tout à fait de l’ordre d’un simple affect, car elle est aussi un « sens de… », comme on évoque un « sens » de la justice ou un « sens de l’humour », soit une faculté ou une prédisposition mentale ou morale. On peut dire ainsi que la Communauté est le sentiment de ce que l’on est en commun comme suite et conséquence de la sensation de ce que l’on a en commun (absolument ou éventuellement dans l’opposition à un autre groupe), c’est-à-dire de ce que l’on partage avec d’autres. Mais voilà une évidence passablement tautologique qui, telle quelle, ne permet guère d’avancer.

Convenons alors que dans ce qui nous affecte comme un sentiment, et/ou nous dispose à la manière d’une faculté mentale, joue avant tout sur nous une force, au sens où l’on parlera par exemple de « force magnétique », autrement dit quelque chose d’invisible mais dont les effets se font néanmoins sentir et sont difficilement évitables ou contournables. La Communauté est ainsi cette force, par définition immatérielle, qui même quand elle « est là » (c’est-à-dire active), n’existe pas en tant que telle, mais est seulement repérable à l’attraction et à la réponse qu’elle suscite, donc au « sentiment de la Communauté » qu’elle engendre.

Pour l’énoncer dans une formule simple et à la limite triviale, le sentiment de la Communauté est le sentiment d’appartenir au même groupe parce qu’on a quelque chose en commun avec d’autres (donc d’« être » parce qu’on « a », mais aussi et surtout parce qu’on partage cette qualité et cette propriété, cette qualité de « l’être » et cette propriété de l’« avoir ») —avec d’autres qu’on ne connaît pas (ce qui distingue le sentiment de la Communauté des simples sentiments familiaux ou de parenté). Car c’est bien parce qu’on ne connaît pas ces autres que ce que l’on partage avec eux est difficilement définissable.

Prise en ce sens, la Communauté est un phénomène a priori universel. Elle est quelque chose qui traverse, irrigue, concerne, préoccupe tous les groupes humains et peut-être au-delà (les questions passionnantes posées par ce prolongement dépassent alors notre propos et nos compétences ). Elle est à ce point basique qu’elle est sans doute tout bonnement une caractéristique de l’être, comme le pense Jean-Luc Nancy qui a écrit que « la Communauté nous est donnée avec l’être et comme l’être, bien en deçà de tous nos projets, volontés et entreprises. » La conclusion logique qu’il en tire est qu’« au fond, il nous est impossible de la perdre ». C’est donc en ce qui nous concerne une composante de la nature spécifique de l’animal humain, et plus précisément de sa nature « politique » selon Aristote, une dimension du caractère naturellement social de celui-ci.

C’est de plus un phénomène universellement important, et dont l’importance se lit dans le fait que la Communauté, quand sa force s’exerce, s’exerce totalement et sans susciter de question : la Communauté, peut-on dire, est la forme des relations humaines, c’est là son autorité. Quand cette autorité est contestée, la Communauté est alors ressentie sur le mode du manque, comme une question qui ne peut faire autrement que de se poser. Autrement dit, la Communauté est vécue, sans se poser de question, comme s’imposant de soi-même ou bien — et c’est notre cas et ce que nous faisons maintenant — il faut absolument savoir pourquoi on ne la vit plus ainsi et partant, comment vivre sans. Vivre avec cette pression lancinante de « savoir comment vivre sans » démontre s’il le fallait le poids constant de la Communauté, malgré son effacement (qui ne signifie donc pas sa disparition mais un simple changement de « mode d’apparence »).

Si, proéminente ou effacée, sa puissance toujours donc s’impose, si elle est vécue comme naturelle ou son absence sentie comme « non naturelle », c’est que la Communauté produit ses effets sur les hommes et leur monde selon le mode d’une « organicité », c’est- à-dire comme une force organique organisatrice du social et promouvant une forte intégration — à l’instar de ce qui, à un tout autre niveau, se produit très manifestement dans le cas de la vie des communautés religieuses régies par un principe transcendant tout-puissant.

En Occident jusqu’à une époque récente, et comme partout ailleurs, la Communauté a fait sentir ses effets auto-organisationnels à travers les diverses formes politiques auxquelles ont abouti les différents principes de légitimité et d’autorité publiques qui se sont succédés (c’est elle qui a commandé l’autorité de certains hommes, comme « représentants » de la source d’autorité — dieux, Dieu, etc. ¬— sur les autres). On peut sans doute dire ainsi que la Communauté a été le grand principe organisationnel (non perçu et donc non nommé) tant que l’homme ne s’est pas pensé clairement lui-même, donc dans une certaine mesure individuellement — c’est-à-dire comme puissance dont la source reposerait ultimement dans l’individu —, comme organisateur de son monde et n’a donc pas conduit son action en accord avec la conscience des pouvoirs et des limites inséparables de cette condition particulière et de cette tâche.

Or c’est sans doute dès le premier pressentiment de son autonomie qu’a commencé à apparaître, chez l’homme occidental en tout cas, la volonté de « récupérer » (autre forme du tropisme susmentionné) et de mettre à profit l’effet-communautaire, c’est-à-dire la force organisationnelle communautaire désormais disparue (en la transposant notamment —du moins peut-on le supposer— dans l’idée moderne de Nation ). Il semble en effet qu’au moment même où la Communauté a pu sembler perdre de son évidence, l’on a immédiatement cherché à prolonger (faire subsister) son emprise et sa force centripète pour la faire servir à l’organisation désormais consciente et volontaire du collectif (on en trouve une trace, si ce n’est une preuve, me semble-t-il, dans l’importance qu’a prise la Communauté dans l’imaginaire romantique au moment de la transition dans les faits des sociétés européennes vers l’autonomie, puis dans toutes les idéologies nationalistes modernes). Comme si privée de sa prégnance dans l’organisation concrète de la société, la puissance de la Communauté s’était retranchée, selon le principe des vases communicants, dans l’effacement. Alors elle est enfin nommée et devient idée (efficace dans l’ordre du discours —politique et littéraire— et de la pensée) au moment où elle n’est plus directement efficace de fait par ailleurs dans le réel.

La disparition de la Communauté comme principe organisateur « proéminent » mais caché du social a produit ainsi la préoccupation sourde mais explicite pour la Communauté, qui est la nôtre. Quand le social ne s’organise plus « tout seul » (soit sans question, selon une loi pensée ou vécue comme divine ou naturelle), l’on cherche à retrouver cette « disposition communautaire » de l’homme pour organiser de manière volontaire (c’est-à- dire forte) le collectif. Mais la force —ou le caractère évident, effectif et efficace— de la Communauté est inversement proportionnelle à la conscience que l’on a de celle-ci : au fur et à mesure qu’on la recherche, elle se fait de moins en moins palpable, comme « l’autorité » ou « l’identité » existent d’autant plus sûrement qu’elles vont inquestionnées, invisibles, inaperçues. Ne nous reste que la mémoire de sa force (c’est-à-dire le manque comme seule force, ce qui reste de la force quand elle n’est plus).

Pour résumer, la Communauté est donc une espèce de tension, de vocation, de force organisatrice qui existerait « naturellement », irait de soi, dans les sociétés hétéronomes (et notamment dans celles que les ethnologues ont appelé les « sociétés de la tradition » où s’exprimerait une forme de « communauté primitive »). Là où l’autonomie s’est peu à peu imposée dans les esprits, comme dans les sociétés dites modernes, elle a aujourd’hui disparu mais elle se maintiendrait néanmoins par la force du manque : elle reste donc toujours présente mais pèse désormais par le poids de son retranchement. Jean-Luc Nancy affirme ainsi qu’il subsiste en Occident le désir, qui a pris un temps le nom de communisme (mais n’a pas disparu avec l’effondrement de cette modalité particulière) « d’un lieu de la communauté, trouvé ou retrouvé, (…) par-delà les étiolements de la liberté, de la parole, ou du simple bonheur dès lors que ceux-ci se trouvent soumis à l’ordre exclusif de la privatisation, et, plus simple et plus décisif encore, par-delà le rabougrissement de la mort de chacun, de cette mort qui, pour n’être plus que celle de l’individu, porte une charge insoutenable et s’effondre dans l’insignifiance ».

Ce qui explique cette force et son maintien aujourd’hui — la virulence du manque—, c’est donc ultimement la mort, comme l’a compris sans doute le mieux Georges Bataille. La préoccupation persistante que nous connaissons pour la Communauté est en effet liée au fait — au sentiment, à l’intuition, à l’instinct ou à la nécessité— que la mort individuelle ne saurait être l’oméga de l’activité humaine. Ce fait est valable pour tous, même pour le matérialiste ou l’athée le plus convaincu puisqu’il n’est pas de l’ordre de la croyance mais s’impose à nous en tant qu’hommes, parce que nous sommes des êtres à la fois et inextricablement individuels et sociaux. En vertu de quoi, l’activité individuelle — il ne saurait en être autrement — se prolonge au niveau collectif, seul niveau où elle peut être justifiée : celle-ci entre alors en résonance avec l’existence collective et y prend tout son sens (arrachée qu’elle est à son isolement et donc à son non-sens), dans une continuité qui s’affirme par-delà l’existence individuelle, ses coupures et ses limitations. La Communauté est ainsi qu’on le veuille ou non l’horizon de sens de l’individu, ce pourquoi il continue toujours d’une certaine manière, volontairement ou non, consciemment ou non, l’œuvre de ses pères (et pairs), même si c’est pour la reprendre, l’inverser, éventuellement la défaire : de toutes les manières, il la continue et la Communauté est le nom de cette continuité même.

Nous touchons ici à la dimension anthropologique de la Communauté, logique de ce qu’est en profondeur l’être humain, que de nombreuses observations ethnologiques (notamment du côté des modes de pensées non occidentaux) sont venues confirmer cette fois par des faits : dans les sociétés étudiées, ces sociétés « de la tradition » où la force de la Communauté est obvie, celle-ci est toujours communauté par delà la mort, donc communauté avec les morts —les ancêtres , et aussi ceux qui sont à naître, les générations futures. C’est donc au minimum une communauté avec l’existence qui est envisagée, ainsi qu’une connexion avec l’activité humaine en général.

Cela signifie qu’il y a toujours un « reste », quelque chose de la vie humaine qui n’est pas intégralement investi dans les existences individuelles, mais qui demeure non mis-en jeu, donc non soumis à la mort, et ce reste se situe au niveau collectif. Cela ne nuit pas au fait que nous puissions nous sentir (et même peut-être être réellement) des acteurs parfaitement autonomes et entiers dans leur action, mais cela signifie simplement qu’une part de notre existence n’est jamais mise en jeu dans cette action. C’est le garant de la justification ultime de cette même action, et c’est encore une fois la Communauté.

On trouve des traces concrètes — nécessairement troublantes, mais pourtant difficilement contestables — de la réalité de ce niveau supra-individuel des existences humaines. Elles sont présentées par exemple dans les observations de l’anthropologue Maurice Godelier (voir notamment : Au fondement des sociétés humaines) dont les travaux conduisent à penser que les sociétés ne cherchent pas tant à préserver l’existence des hommes qui les composent que celle du « système de valeurs » selon lequel ceux-ci vivent, autrement dit leur culture au sens le plus large, leurs modes de vie, les idées organisatrices de leur société, soit la force centripète de leur collectif. M. Godelier tire en effet les enseignements suivants de son travail de terrain:

« (…) en pratique, les individus et leurs groupes de parenté doivent agir de telle sorte que non seulement ils se reproduisent eux-mêmes, mais qu’ils reproduisent en même temps la société dans sa logique globale, qui, en tant que telle, leur fournit quotidiennement une partie de leurs conditions d’existence. »

De ces conclusions, il en déduit un peu plus loin les conséquences pour sa discipline :

« L’entreprise [le comparatisme en anthropologie] est délicate. Elle a pour ambition de mettre au jour des propriétés qui sont celles des rapports sociaux eux-mêmes, qui leur sont attachées en propre et ne le sont donc pas aux individus et aux groupes humains qui produisent ces rapports — et, de ce fait, sont engagés en eux. Or ces propriétés, qu’elles soient connues ou ignorées, ne cessent jamais d’agir sur les individus et sur leur société. Elles constituent ainsi une réalité objective qui, engendrée par les actions des individus, n’a pas sa source dans leurs intentions. »

Voilà, semble-t-il, comment la Communauté peut être, de manière généralement inaperçue, l’horizon de sens des actions tant collectives qu’individuelles des hommes. Qui en aurait d’ailleurs douté à peine un siècle ou deux en arrière ?

Le plus troublant dans cette redécouverte pour nous (post)modernes est sans doute que l’on peut aussi en déduire — Godelier ne s’aventure pas sur ce terrain, bien que tout conduise pourtant à poursuivre son raisonnement jusqu’à ce terme— que ce niveau collectif de l’existence humaine peut mener une société à mettre en péril la survie même des hommes qui la composent : le géographe Jared Diamond n’a quant à lui pas fait autre chose dans son ouvrage Collapse que de donner plusieurs exemples significatifs de ce qu’il nomme des écocides, où des modes de vie, pour assurer leur permanence, ont conduit des sociétés à l’extinction, comme par exemple pour les premiers habitants de l’île de Pâques qui se sont condamnés à disparaître pour n’avoir su prendre conscience à temps que leur mode de vie détruisait les chances de leur survie.

Il n’est bien entendu pas interdit de penser — et c’est presque même devenu une chose parfaitement acceptée de tous — que le système actuel de production-consommation capitaliste ne fait pas autre chose que de se maintenir aujourd’hui au péril de la vie des hommes en menaçant l’écosystème. Sombre paradoxe, ce serait peut-être là une tendance naturelle générale des systèmes que de mettre en place ce que le philosophe Roberto Esposito a appelé une forme d’auto-immunité qui conduirait les sociétés à mettre en danger les hommes qui les composent dans une perversion contre-productive de leur dessein initial. De même, le nucléaire, civil ou militaire, pourrait bien être la conséquence d’un mode de vie qui pour s’entretenir (du point de vue énergétique ou de sécurité) conduit à l’autodestruction des hommes qu’il était censé servir.

A quoi reconnaît-on alors l’existence de cette force nommée Communauté ? Précisément à cela, à cette dimension supra-individuelle qui double notre existence autonome et en est la justification ultime. Soit un « sens du collectif » qui existe et se perpétue au-delà de la conscience individuelle et qui les relierait toutes, ces consciences individuelles, à leur insu. Quitte parfois à leur nuire…

Rémi Astruc

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